Démasquer l’édition à compte d’auteur déguisé

Vous êtes écrivain/e, poète, romancier/ère déjà édité/ée, en recherche d’éditeur ou bien sur le point de signer un contrat d’édition.

Vous vous interrogez sur vos droits au regard d’un tel contrat, dont les clauses vous paraissent ambiguës et l’application litigieuse : à compte d’éditeur, à compte d’auteur, participatif ?

IL EST POSSIBLE QUE VOUS SOYEZ VICTIME D’UNE ESCROQUERIE SUR VOS DROITS D’AUTEUR DE LA PART D’EDITEURS INDELICATS.

Si une maison d’édition, ou prétendue telle, vous réclame une somme d’argent, elle ne saurait se prévaloir de la qualité d’éditeur à compte d’éditeur.

La contribution financière réclamée peut vous être présentée de diverses manières :

  • explicitement comme les frais de composition, d’impression et/ou de publication qui vous incomberaient, sorte de droit d’entrée pour bénéficier de la force de diffusion de la maison d’édition ;
  • plus subtilement comme une participation aux frais (typiquement le préachat d’une certaine quantité de livres), gage supposé de votre implication dans la promotion de votre ouvrage, l’éditeur affirmant, sans le prouver, que l’essentiel des frais resteraient supportés par sa société.

Peu importe la justification. Dans tous les cas, cette somme est contractuellement stipulée et vous est réclamée comme condition préalable à la sortie de votre ouvrage. Bref, elle vous oblige.

 
En réalité, le montant exigé couvre le plus souvent les coûts effectifs de fabrication de vos livres par la maison d’édition malveillante, mécanique pernicieuse qui lui permet de présenter à moindre frais et à moindre risque un catalogue pléthorique de titres, dont les effets sur sa réputation, sa visibilité et, incidemment, la confiance des candidats auteurs constituent le véritable retour sur investissement recherché. Car, malgré les louanges avec lesquelles votre manuscrit est susceptible d’être accueilli par ce qui lui tient lieu de comité de lecture, seuls quelques titres jugés rentabilisables font l’objet de toutes les attentions de l’éditeur : c’est sur cette poignée d’ouvrages qu’il consacre un budget promotionnel plus conséquent et s’appuie pour se féliciter dans les réseaux sociaux du succès – relatif – de ses publications au plan général. Les autres auteurs, c’est-à-dire l’immense majorité, n’ont plus qu’à se morfondre dans les remords ou la résignation face au miroirs aux alouettes que leur a cyniquement tendu leur flatteur. 
 

Or, de telles clauses de participation financière, loin de n’être qu’une modalité subalterne, ont des conséquences absolument décisives sur la licéité du contrat qui vous lie à votre éditeur : aux yeux du droit, il ne s’agit ni d’un contrat d’édition, ni même d’un contrat de publication, mais bien d’un contrat de « louage d’ouvrage ».

Et cela change tout.

Contrat à compte d’auteur déguisé : que disent la loi et la jurisprudence ?

L’article L. 132-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Ne constitue pas un contrat d’édition, au sens de l’article L. 132-1, le contrat dit à compte d’auteur.
Par un tel contrat, l’auteur ou ses ayants droit versent à l’éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes d’expression déterminés au contrat, des exemplaires de l’œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique et d’en assurer la publication et la diffusion.

Ce contrat constitue un louage d’ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivants du Code civil. »

De plus, la jurisprudence (Paris, 3e ch. 1re sect., 3 mai 2011) considère que :

« (…) Il importe peu que le contrat prévoie par ailleurs une rémunération de l’auteur puisque celui-ci a été amené au sein du contrat à participer aux frais de fabrication et donc au risque financier que doit supporter seul l’éditeur.
La contrepartie du risque financier supporté par l’éditeur est la cession de ses droits patrimoniaux par l’auteur. Or faute de supporter seul ce risque, l’éditeur ne peut prétendre à la cession des droits d’auteur
(…) »


Enfin, l’ensemble des comportements trompeurs de la maison d’édition est susceptible d’entrainer une qualification pénale au titre de l’article L213-1 du Code la consommation.

Un contrat d’édition comprenant une clause financière obligatoire est nul et non avenu. Vous restez de plein droit propriétaire de votre œuvre.

La maison d’édition ne peut revendiquer la cession de vos droits d’auteur : dès lors, l’exploitation éventuelle de votre ouvrage par celle-ci est susceptible d’être qualifiée de contrefaçon par les tribunaux.
Vous pouvez par conséquent jouir sans contrainte et sans délai de votre liberté d’auteur / autrice pour, à votre guise :

tenter de confier vos droits à une autre maison, éditant pleinement à compte d’éditeur et respectant la loi sur la propriété intellectuelle ;

vous lancer en toute connaissance de cause dans l’édition à compte d’auteur, en veillant à ne pas céder vos droits d’auteur à la maison d’édition ;

vous investir – au sens propre du terme – dans l’autoédition, en gardant la maîtrise de votre projet, sans avoir à enrichir un pseudo-éditeur.


Si vous avez déjà signé un contrat d’édition, ce qui suit vous concerne.

Comment rétablir vos droits ?

Théoriquement, vous n’avez rien à faire puisque le contrat que vous avez signé est manifestement entaché de nullité. Toutefois, il est recommandé de vous rapprocher d’un avocat pour vous le faire confirmer et, si nécessaire, adresser formellement une mise en demeure à votre éditeur, lui enjoignant à :

cesser toute exploitation de l’ouvrage en cause ;
vous rembourser le montant de l’ensemble de vos débours (frais de maquettage, exemplaire achetés, …) ;
vous indemniser du préjudice que vous estimez avoir subi.

A défaut d’une réponse satisfaisante de votre éditeur, notamment sur le préjudice financier, une poursuite devant les tribunaux peut s’envisager. Votre probabilité de remporter le procès est certes élevée, mais celle d’obtenir gain de cause au plan pécuniaire et de rentrer dans vos frais est plus hasardeuse.

Reste l’option d’une action de groupe, conjointement avec d’autres auteurs spoliés par votre maison d’édition.

Non contents d’exploiter votre crédulité, les éditeurs indélicats parient sur votre docilité et l’effet dissuasif des frais d’avocat.
Pourtant, vous pouvez agir sans attendre.

Si les honoraires d’avocat vous paraissent inabordables eu égard aux enjeux, ou si vous redoutez la durée et la complexité d’une procédure judiciaire, commencez par dénoncer formellement votre contrat par LRAR en avançant les motifs et arguments livrés précédemment. Un éditeur prudent et avisé s’exécutera en déréférençant rapidement votre ouvrage des plateformes de librairies, ce qui vaudra assentiment de sa part.
En tout état de cause, il est très improbable que l’éditeur vous attaque lui-même en justice, car il est parfaitement au fait de l’irrégularité de ses pratiques…

Par voie contentieuse ou par voie de justice, une certitude : seule la mobilisation de nombreux auteurs et autrices sera susceptible de changer le rapport de force et faire cesser les agissements de ces officines dénuées de scrupules, tenant pour de vulgaires objets de leur business tant de créateurs épris de dignité et de reconnaissance.

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